MAISON DU CONFLIT

« La maison du conflit » est un projet de création d’un espace d’expérimentation, de formation et d’intervention, installé dans le bas de Saint-Gilles (Bruxelles). Elle vise à développer une culture du conflit favorisant l’inventivité et l’autonomisation des groupes et des personnes dans la prise en charge de conflits problématiques, d’abus et de préjudices.

Cette culture du conflit favorise les logiques transformatrices et la responsabilisation «communautaire» plutôt que les logiques pénales et sécuritaires, en permettant notamment de mettre au travail les rapports de pouvoir qui traversent les groupes et les relations sociales.
Les pratiques cultivées ou partagées sont principalement non prescriptives.
C’est à dire qu’elles ne prétendent pas fournir une solution à des situations dont les facteurs sont souvent multiples et complexes, mais restent au contraire au plus près de la singularité de chaque cas, pour permettre aux personnes impliquées de trouver elles-mêmes les pistes pratiques qui leur conviennent. Il s’agit de sensibiliser à des postures plutôt que de fournir des boites à outils ou des méthodologies tout terrain.

Analyse Institutionnelle et Socianalyse (intervention auprès de groupes en mutation ou en crise), Justice Transformatrice (voir Matrisses pour Bruxelles), Psycho-sociologie clinique et Dynamique de groupe, Entraînement mental (penser et structurer son action dans la complexité), Concertation Restaurative de Groupe ou Transformatrice de Groupe (CRG/CTG), sont quelques-unes des pratiques mises au travail ou en partage, avec des partenaires et complices, des passants ou voisines, des professionnelles ou des apprentis.

INTERVENTION
En lien avec un réseau de praticiennes et praticiens, nous intervenons dans des situations de crise, de reconfiguration ou de questionnements de fond, auprès de groupes et organisations. Le tarif dépend des moyens financiers des structures ou des personnes qui font appel à nous.

TRANSMISSION
Nous organisons des sessions d’infos et des formations sur les pratiques qui nous tiennent à cœur et qu’il nous semble important de diffuser un maximum.

EXPÉRIMENTATION
En lien avec le Steki et son quartier, nous élaborons, testons, adaptons des pratiques et cherchons comment contribuer à réduire les logiques punitives et sécuritaires de manière plus large.

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À terme, ce projet vise à fonder sur cette base une sorte de contre-institution active auprès de collectives, de maisons de quartier, d’associations para-judiciaires, d’établissements scolaires, d’organisations professionnelles ou syndicales, etc.
D’ici là, elle est hébergée par le Steki, rue Gustave Defnet n°6 à Saint-Gilles. Ce projet est élaboré en concertation avec le Steki, dans la continuité des ateliers Ça Ne Va Pas De Soi qui s’y sont tenus en 2020 et 2021. Cette page sera actualisée au fur et à mesure de l’évolution du projet. Pour toute question, demande ou suggestion, écrire à l’adresse suivante:   lamaisonduconflit [ arobase ] bruxxel.org

Les premières briques sont posées les 28 et 29 octobre 2023, avec l’organisation d’une session publique de deux jours d’information sur l’art du conflit. Toutes les infos sur cette page.

 

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QUELQUES DÉFINITIONS

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Analyse Institutionnelle (AI)

L’analyse institutionnelle est une démarche collective d’analyse des comportements sociaux et des formes sociales, que ce soit à l’échelle d’un groupe ou d’un territoire (leur naissance, évolution, dépérissement et transformation). C’est en comprenant les enjeux et les rapports de force qui caractérisent la situation explorée que l’ensemble des parties prenantes peut la faire évoluer. Son rôle est de mettre en évidence le « non-dit » des réalités se présentant comme allant de soi. Il ne s’agit pas d’une méthode mais d’une posture de «non-savoir» qui permet d’interroger les zones aveugles de la dynamique sociale: les habitudes et les évidences.

Le terme «institutionnel», utilisé de manière complètement contre-intuitive par rapport à son sens courant, définit ici une dynamique de formes d’organisation : la forme établie (l’institué) est affectée par ce qui s’oppose à elle (l’instituant), la nouvelle forme qui surgit de cette contradiction (l’institutionnalisation) se stabilise et devient elle-même une forme établie, et ainsi de suite dans une alternance perpétuelle…

Elle partage plusieurs principes avec la recherche-action, comme le refus de l’objectivité comme but, ou la remise en question et l’adaptation du processus de recherche au fur et à mesure de son déroulement.

Son histoire en bref : Georges Lapassade et René Lourau sont à l’origine du terme, mais elle prend naissance dans un courant de sociologie critique autour de 1968, rassemblant notamment des psychosociologues et des pédagogues. Elle se veut l’élargissement de la voie ouverte alors par la psychothérapie institutionnelle et la pédagogie institutionnelle, qui faisaient le constat que l’institution elle-même engendre le mal-être, expérimentant de «soigner l’hôpital avant de soigner les gens», et d’«éduquer l’école» grâce aux élèves. Le but était de redéfinir les relations entre les personnes accueillies, le personnel, l’entourage proche, le réseau plus large… sur une base égalitaire et communautaire (par exemple à l’hopital de Saint-Alban pendant l’occupation, tout le monde s’organisait ensemble pour assurer l’approvisionnement en nourriture du lieu). Lapassade et Loureau reprennent donc ces élaborations théoriques, réalisées notamment par des résistants et militants anti-fascistes comme Tosquelles, ou des chercheurs et penseurs comme Freinet, Oury ou Guattari. Surréalisme, anarchie, autogestion, psychosociologie (Lewin et Moreno) sont autant de référentiels ce cette effervescence post-68. Lapassade et Lourau expérimentent alors un dispositif destiné à produire cette analyse institutionnelle collective en acte: la Socianalyse.

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Socianalyse institutionnelle (SAI)

Ce dispositif se pratique le plus souvent dans des situations de blocages où une crise commence à poindre. Il réunit sur plusieurs jours, généralement sous la forme d’une assemblée, l’ensemble des personnes ayant du savoir et du pouvoir sur la situation, afin de produire elles-mêmes l’analyse, avec le soutien des personnes intervenantes. Ces dernières sont expertes du dispositif, pas de la situation. Elles ne peuvent donc pas faire de prescription au groupe, peuvent proposer quelques hypothèses de lecture au fur et à mesure, et font en sorte que chaque dynamique antagonique puisse s’exprimer et être mise au travail, pour autant que le temps imparti le permette.

Développée de façon plus systématique à la fin du XXe siècle par le CAPP (Centre d’analyse des pratiques professionnelles), les secteurs d’intervention sont sanitaires et sociaux (maisons d’enfants, instituts de travailleurs sociaux, centres éducatifs), les secteurs à risque (hôpitaux, centrales et parc nucléaires), et en lien avec des expériences sociales (agroécologie et santé en milieu rural au Brésil, milieux de l’éducation populaire politique en France et en Belgique). Aujourd’hui elle est aussi pratiquée dans des lieux de vie collectifs. À chaque nouvelle configuration sociale qu’elle explore, la socianalyse s’adapte et se transforme.

 

Entraînement Mental (EM)

L’Entraînement Mental est une pratique en 4 phases permettant de penser et structurer son action dans la complexité. À partir d’une “Situation Concrète Insatisfaisante” que l’on peine à transformer malgré des tentatives répétées, l’EM crée progressivement des pistes de solutions qui tiennent compte des forces en présence et des moyens à disposition.

L’EM est initiée par Joffre Dumazedier qui cherchait une méthode efficace d’appropriation des connaissances dans le milieu ouvrier, en gardant comme objectif l’autonomie du «sujet social apprenant». C’est à dire qui réfléchit à partir des conditions d’existence de sa vie quotidienne et depuis ses nécessités propres. Elle est affinée par des groupes de résistants dans les maquis du Vercors pendant la 2nde guerre mondiale, comme outil de recherche par observation participative, afin de pouvoir prendre rapidement des décisions. Elle est diffusée ensuite comme « formation intellectuelle pratique des cadres militants de la vie associative, coopérative et syndicale », via le mouvement d’éducation populaire Peuple et Culture, puis par le réseau des CREFAD en France. Modifiée par différentes praticiennes et praticiens au fil du temps, la dimension éthique est consolidée avec le « triangle méthodologique ».

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